Demain, la veille
Renverser le sablier
Dormir les yeux grands ouverts
Remiser demain, et la veille, et les autres, à plus tard
Le temps qui souffle a décoiffé les certitudes
Elles essaiment
Bourdonnement imperceptible
© MYOWS 104625
Année - Sablier
I. Janvier – solo
Je t'ai cherché quelque temps,
Ne pouvant me défaire de ta peau soyeuse
Dont l'absence tailladait mes mains.
Janvier l'a joué solo.
Drapée du néant que tu m'avais laissé,
J'ai marché le long de la falaise
Comme sur un fil,
Auquel plus grand chose ne tenait.
Je me suis assise au bord du vide,
Spectatrice privilégiée,
Attendant la cadence finale
Qui bien qu'imparfaite se devait de retentir,
Déjà.
J'ai somnolé quelque temps
Drapée du néant que tu m'avais laissé.
Janvier l'a joué solo.
II. Février – pointillés
Je t'ai vu t'en aller au loin
Sans hésitation
Encore une fois
Transie par l'haleine glacée de Février
Je me suis retirée sur la pointe des pieds
Encore une fois
Carnaval, confettis, serpentins
J'ai dansé avec ma tristesse
Encore une fois
Et je me suis écroulée
Dans un amas de pointillés
III. Mars - tempo, contratempo
Mars a fusé
Na cabeça do tempo
Rapide et précis, passant entre les gouttes
Faisant fi de ses propres giboulées.
Mars a rebondi
No contratempo
Dans son sillage sinueux et singulier
La onzième a sonné, au loin.
Mars a ricoché
Tempo, contratempo
Traversant la mer qui tanguait au dessus de ma tête
Sifflotant un air de pourquoi pas
Mars a inspiré
Mars a expiré
IV. Avril - rossignol
J'ai séché les larmes de l'arbre
Saule inconsolable
Ployant sous le poids des ans
J'ai pansé son écorce bistre
Meurtrie par le canif rageur
Des amours défaites
Sa longue chevelure a frémi
Sous la brise d'Avril
"Sur la plus haute branche,
Un rossignol chantait."
V. Mai - hasards
Mai a emmêlé les lignes
Mordu à l'hameçon des hasards
Croyant mettre Paris en bouteille
Pour mieux la jeter à la mer ensuite
Mai a laissé des plumes
Au bord du chemin ordinaire
Baissant la garde sincèrement
Pour mieux la reprendre ensuite
Mai a démaquillé ses espérances
Mai a regardé passer les gens
Mai s'est retourné
Mai s'en est allé
VI. Juin - tiroir
Juin a regardé droit devant
Saudade en bandoulière
J'ai embrassé Paris une dernière fois
Enveloppé de papier de soie
Rangé à porté de main
Laissé le tiroir ouvert
Il s'en échappe un parfum d'à bientôt
Les clameurs de Ménilmontant
Quelques notes de choro
Un dessin d'enfant
L'ombre des silhouettes aimées
Aquele abraço minha gente,
London is calling
Juin a pris le large
VII. Juillet – reflet
Juillet a fait le tour de l'année passée
S'est arrêté à la charnière
Grincement.
Contemplation.
La solitude a envahi le miroir
Dévoré mon reflet
N'en subsiste qu'un lointain souvenir.
Il a disparu depuis longtemps déjà
Quand le soir se pose
Sur le dos de ma main.
J'ai soufflé et Juillet s'est envolé.
VIII. Août – silence
Août est arrivé. Il ne t'a pas ramené.
Rien n'a eu lieu.
Mon souffle est toujours suspendu à tes lèvres.
J'attends un revirement de situation.
Improbable.
J'attends tapie, immobile.
Fracassée.
Amour m'a tuée.
Août est arrivé. Il ne m'a pas ramenée.
IX. Septembre – été indien
Seule avec l'Univers
Et un verre de vin,
J'ai regardé la nuit
Et tendu la main aux étoiles.
La lune m'a souri.
J'ai respiré l'air du temps.
Suspendu un instant,
Septembre a repris son cours
Inéluctable.
Le jour s'est levé.
X. Octobre – cortège
Octobre est tombé comme un couperet.
Le vent d'Automne, sifflant cortège,
L'accompagne en un pas de deux
Tourbillonnant
Humide
Prélude pour la sécheresse des âmes
A la saison des pluies.
De ma fenêtre close j'observe la rue.
Ballet silencieux
Battements de mon coeur
En syncope.
XI. Novembre - équinoxe
Faisant une entrée chancelante et embrumée,
Novembre a louvoyé,
Navigant à vue,
Entre les écueils à fleur de fin d'année
Cabotage d'arrière-saison
Équinoxe en arrière-goût
Fixant l'horizon d'un œil songeur
Novembre a tiré des bords,
Fendu les flots,
Attentif aux signes.
Astrolabe et sextant,
Murmurant en chœur,
Ont promis la douceur des îles.
Novembre a gardé le cap.
XII. Décembre – réveillons
Décembre s'est vêtu de nuit.
De scintillements en aveuglements,
Il a déroulé sous mes pas son tapis blanc
M'incitant à le suivre
Jusqu'à l'entrée
- ou bien était-ce la sortie?
Me pressant de lui accorder une danse
Au bal des faux débutants
Où se dessinent d'éternels recommencements
De guerre lasse j'ai saisi son bras
Et envoyé valser les réveillons en pagaille
Cotillons, paillettes et regrets nous ont raccompagné
Jusqu'à l'entrée
- ou bien était-ce la sortie?
© MYOWS 76127
Autobiographie raisonnée
Horizon délacé et souvenirs feutrés
Le chemin se dessine sous mes pas
J’avance sans cesse vers l’ailleurs
Avec la confiance de qui ne sait rien
Ma terre n'est pas ici
Elle est aux confins du lointain
En mouvement
Sans cesse
Au gré des souffles et des chants
Insaisissable
Loin des vacarmes goulus du passé
Loin des futurs aux questions insolubles
Je vais là où les mots me portent
Je vais là où les sons m’entraînent
Ma terre, je la cherche parfois
Je la trouve de temps en temps
Mais elle s'échappe aussitôt
Mutante souveraine
Impalpable
Je voyage sans armes et sans bagages
Je ne garde que l’amour en toile de fond
Ma mémoire est un morceau choisi
Elle est l’âme de ma liberté
Laisse le temps
Cherche les mots
Quitte le rivage
Oublie cette peau
Résonne encore
Aime peut-être
Vis toujours
Ailleurs
© MYOWS 76126
Au bout du couloir
Chaque nouveau jour est une cage
Sombre rayure sur ton visage
Tu cherches le point de passage
Comment dormir loin des orages ?
T’es à l’ombre.
T’es à l’ombre.
Chaque heure nourrit ton obsession
La fumée reste en suspension
Le goutte à goutte des illusions
Égrène le temps sans rédemption
Pleure à l’ombre.
Pleure à l’ombre.
Chaque cri figé dans ton silence
Taillade les pans de ta conscience
Fustige le reste de décence
Qui justifie ton existence
Reste à l’ombre.
Reste à l’ombre.
Chaque porte claque sur ta vie perdue
Éloigne tes souvenirs tordus
Dans un dernier souffle éperdu
Quand le serpent t’aura mordu
Meurs à l’ombre.
Meurs à l’ombre.
© MYOWS 65527
L’attente
L’attente sait éveiller l’envie
Maîtresse amère de l’ennui
L’attente étouffe le désespoir
A coups de soie et d’ostensoir
Elle tisse le fil des heures perdues
Comme une Pénélope ambiguë
Elle n’a de cesse de s’étirer
Vers le fantôme désiré
L’attente sait tout et ne sait rien
A la fois vestale et putain
Elle aime les silences indiscrets
Et la clameur des grands secrets
Elle sait se faire si sensuelle
Enjôleuse et obsessionnelle
Elle sait amadouer ta faiblesse
Sibylline voilée de paresse
L’attente se délecte sans grâce
Des scrupules et du temps qui passe
L’attente savoure comme un calice
La lie de tes désirs factices
Au final elle aura vaincu
Ton coeur patient et résolu
Ton corps confus et versatile
Gracieuses volutes inutiles
© MYOWS 65527
Le lever du Roi
Tes songes éperdus parfois me laissent
Au bord d’une route ne menant nulle part,
Et qu’un futile élan d’amour blessé
M’incite à suivre sans conditions.
L’aube de seize heures te ramène
Parmi les vivants qui t’entourent,
Mais tu n’aimes que la nuit pour paraître.
Éveille-toi, car je ne peux plus attendre.
© MYOWS 76128
Inconstant
Luminescent
Iridescent
Fluorescent
Phosphorescent
Opalescent
Incandescent
Transgressant
Turgescent
Caressant
Confessant
Florescent
Indécent
Empressant
Incessant
Agressant
Oppressant
Oppressant
Oppressant
Apparaissant
Effervescent
Transparaissant
Déliquescent
Évanescent
Disparaissant
© MYOWS 11157
Ton ombre
Où es tu
Toi qui n'es pas ici
Ton ombre a la couleur du temps qui passe
Dans ma mémoire
En filigrane
Sur quels rivages se déploie-t-elle
Quelles contrées sauvages
Quels horizons, quels paysages
Me l'ont ravie
Mes yeux usés de l'avoir tant cherchée
Fixent mes mains vides
Le sable s'est écoulé
Entre mes doigts
Ton ombre a la couleur du temps qui passe
© MYOWS 84552
Tonnelle
La glycine ne fleurit plus
Sèche et indifférente
Qui s'en soucie
La glycine de fleurit plus
Immobile et absente
Nimbée d'oubli
Elle semblait pourtant inaltérable
Perpétuelle, violette et vénérable
Son parfum bien ancré dans ma mémoire
Chantait l'été, l'enfance, la tombée du soir
Sans faire de bruit elle a cédé
Aux caprices du temps qui passe
Ses arabesques d'écorce pétrifiée
Courent sans raison, inutiles et lasses
On la laissera crever là
Plus personne ne s'assoit sous la tonnelle
Puis un jour on l'arrachera
Et on oubliera même qu'elle était belle
Toute fin a un début
Sèche et indifférente
Qui s'en soucie
La glycine ne fleurit plus
Immobile et absente
Nimbée d'oubli
© MYOWS 76124
L’oasis aimée
Laisse parler le ruisseau
Écoute le coulis de l’eau
Vois comme se métissent les mots
Comme le temps se tisse au fil de l’eau
Le vent dans le désert regrette
Les dunes se plissent de nostalgie
L’oasis aimée s’est tarie
Sèche et nette
Le ciel pleure les oiseaux sauvages
Mille soleils consument sa mémoire
L’oasis est comme un miroir
Sans visage
Les temps changeront le sable en or
La poussière mangera l’avenir
L’oasis aura des souvenirs
Des remords
© MYOWS 48687